Les Vigiles
Les milices populaires mantorines - parfois appelées “Vigiles” par leurs sympathisants - sont des groupes autoproclamés de défense agissant à Mantori et ses proches environs. Il est dit que la nature laisse rarement place au vide, il en va de même pour une société : les autorités locales dépassées ne pouvant subvenir au besoin de sécurité des sujets de la couronne, ces derniers se sont intuitivement emparés de la question de l’ordre public. Au moyen de comités de quartiers, les milices se sont organisées par sections et jouent désormais le rôle d’une garde improvisée.
Ces milices mantorines illustrent un mouvement sociétal complexe à appréhender. Elles n’ont pas de chef identifié, hormis le prédicateur Rajol Sovona dont l’existence paraît relever plus de la légende que de la réalité. Par ailleurs, il existe autant de formes de milices que de comités de quartiers, chacune suivant un code et une hiérarchie qui lui sont propres. Leurs motivations et leurs allégeances coïncident rarement, à l’exception du rejet des élites religieuses et séculières dominantes - ce qui semble être le trait d’union doctrinal entre toutes les milices.
La naissance de ce mouvement populaire d’autodéfense n’est pas clairement située, on lui donne un peu plus d’une dizaine d’années. Les milices sont relativement éphémères, elles disparaissent, se recomposent, évoluent selon les aléas : émergence d’un agitateur charismatique, ennemi commun, période de disette ou de famine.
Le mythe de Rajol Sovona, prédicateur et prêtre défroqué allergique à l’influence grandissante de Farhas sur le clergé séculier du continent, est largement partagé parmi “les Vigiles”. Habile pour nourrir le feu couvant dans le coeur des sujets montelans, il obtint rapidement une forte notoriété. Excellent rhéteur et tribun passionné, Sovona serait responsable de la “semaine des incendies” durant laquelle le Port d’Avarelli, le Quartier de la Fange et le Quartier du Tintamarre subirent une kyrielle de feux criminels. Cette semaine se solda par un soulèvement massif emmené par le prédicateur jusqu’aux portes du Quartier de l’Eclat, caractérisé par des affrontements sporadiques aux quatre coins de la cité entre milices privées - parfois alliées aux émeutiers - milices populaires et gardes.
Une fois rassemblée non loin des lieux de pouvoir de Mantori, la foule fut soudainement pris d’un élan de panique dont l’origine reste aujourd’hui trouble. La voix de Sovona se tut dès le lendemain, les autorités ayant affirmé que le trouble-paix fut victime du mouvement de panique, piétiné par ses fidèles, d’autres persistant à croire qu’il conduit les Vigiles depuis une cachette avec l’aide d’un réseau d’agitateurs.
Nombreux sont les agitateurs et chefs de milice ayant prétendu être Sovona pour jouir de sa légitimité et réunifier les Vigiles, aucun d’entre eux n’y parvint. Ces petits chefs sont la pierre angulaire des milices populaires de Mantori, ce sont eux qui dictent le régime des alliances et tempèrent l’humeur de la rue.
Plus récemment, des factions de Vigiles marginales développent une doctrine religieuse radicale, ciblant les symboles de l’influence farhésienne dont les Bellatores envoyés sur place pour venir en aide aux forces locales. Les factions particularistes semblent avoir la part belle auprès des Vigiles, sensibles à leur discours autonomistes.
Il est difficile de distinguer les réseaux criminels des milices populaires, la frontière étant souvent poreuse. Les fonctions des milices changent d’une section à l’autre, selon les ambitions de leurs meneurs : protection des commerces, prélèvement d’impôts, tenue de tribunaux, en sont quelques exemples.